Un jupon s’oppose à l’Europe de Napoléon

Si l’on en croit le code Napoléon, la place des femmes, créatures charmantes mais inférieures, est au foyer !
En 1804 ce code rend les Genevoises encore plus dépendantes des hommes que le droit ancien.
Difficile dès lors de supporter Germaine de Staël (1766-1814), femme de lettres brillante et éloquente chez qui le tout Paris se presse. Elle forma ses goûts aux côtés de sa mère qui reçut dans son salon parisien les Encyclopédistes, Jean Jacques Rousseau parmi d’autres grands esprits…
Selon un de ses contemporains, « il n’y avait pas de séance à l’Assemblée nationale à laquelle elle n’assista point et qu’elle ne jugeât après, avec une autorité aussi absolue qu’en qualité de fille de Mr Necker », alors ministre des finances de Louis XVI.
Germaine de Staël provoque en joutes oratoires l’intelligentsia de son temps. Amie de Talleyrand, du Tsar Alexandre, de Sismondi et des frères Pictet, maîtresse de Benjamin Constant…
En 1814, dans les coulisses de la Conférence des coalisés à Paris, elle reçoit l’élite européenne dans son salon. A une époque où les femmes font tapisserie, elle revendique une fonction à sa hauteur. Et joue le rôle politique auquel elle a toujours aspiré.
De passage à Coppet, Stendhal nota : «Elle réunit les états généraux de l’opinion européenne… Voltaire à Ferney n’a jamais rien eu de pareil. »
Dès lors on comprendra que Bonaparte devenu empereur la relégua le plus loin possible et renverra Benjamin Constant, son amant, du Tribunat pour le remplacer par un Genevois aussi célèbre, Marc-Auguste Pictet, frère de Charles Pictet de Rochemont. Napoléon, agacé, estimera qu’elle « commence à entrer dans une coterie contraire à la tranquillité publique » et la fera surveiller à Coppet comme un chef d’Etat.
Si peu sous son «empire», Germaine de Staël s’écria : « Ce n’est pas seulement la liberté, mais le libre arbitre qui me paraît banni de la terre.»
Avec son célèbre « De l’Allemagne », manifeste Romantique écrit en exil, elle dessine une Europe où les particularités des uns ne se dressent pas contre celles des autres dans un bain de sang.
En avance sur son temps, elle préconise encore : « Il faut dans nos temps modernes avoir l’esprit d’Europe. »
Animation:
Laura Perrière
Texte:
Valérie Fontaine